Herzeleid (Chronique)
L'Europe, l'Europe, ils n'ont que ça à la bouche. Quitte, soi-disant,
à se prendre une casquette électorale au nom de la cause. Oui
mais, l'idée d'une terre ou d'une patrie commune du Grand Nord au Détroit
de Gibraltar, ils sont quelques centaines de millions à s'en tripoter
les... fouilles. Un exemple parmi d'autres : combien serez-vous à passer
illico presto à la colonne d'à côté lorsqu'on vous
aura énoncé que les Berlinois de Rammstein chantent dans leur
langue maternelle sur fond de techno-dance métal à la limite du
spartiate ? 20% ? 40% ? Ne se prononcent pas ? Suivant le vieil adage "bien
de chez nous", les absents auront tort. Car, et c'est toute la force des
six d'outre-Rhin, toutes les "gamelles" (celui du débit germanique
en premier lieu) que l'on imaginait au préalable se transforment en avantages.
La faute (?) à une construction des tempos, à un "positionnement"
des riffs, à une imbrication des gutturales incantations, toujours judicieuses.
Rammstein sait ce que le mot "mis en scène" veut dire, ça
ne fait pas un doute. On aurait tort cependant de s'en tenir à la simple
notion de "travail bien fait" si souvent louée chez nos voisins.
C'est plus... d'intégration réussie dont il est question ici,
n'en déplaise d'ailleurs aux quelques nationalistes nauséabonds
qui penseront avoir trouvé là une nouvelle bande-son idéale
à leurs vomitives réunions congressistes.
Non, l'équivoque n'est pas de mise et Rammstein n'est pas le nouveau
Laibach (dont il serait bon, soit dit en passant, que l'on enterre définitivement
le dossier). D'un strict point de vue musical, Rammstein a avant tout pour lui
de savoir manier avec un bonheur identique sens mélodique et violence
instrumentale. C'est cet amalgame (cette fusion ?) qui veut nous faire croire
que le mariage (d'intérêt ?) avec David Lynch pour la B.O. de "Lost
Highway" n'était que le détonateur d'un embrasement qui,
demain, se jouera de toutes les frontières, physiques ou psychologiques.
(Xavier Bonnet)