Rammstein
Rammstein, un nom qui évoque le métal, le feu, le sexe et surtout
l'Allemagne. En seulement deux albums ces rois du métal-indus aux mélodies
taillées à la hache ont conquis le monde, vendu des quantités
de disques astronomiques (un million rien que chez eux), émerveillé
même les plus blasés des unshows hollywoodiens bourrés d'effets
pyrotechniques, et choqué les esprits par des textes et des clips où
le sexe côtoie l'horreur gothique. Après un Live aus Berlin sans
autre intérêt que celui de prouver que Rammstein peut remplir un
stade, tout le monde les attendait au tournant, craignant qu'ils ne fassent que
reproduire à l'infini la formule musicale et visuelle qui leur avait fait
connaître amour, gloire et bauté. Mutter est enfin là pour
nous rassurer : si Rammstein n'a pas encore décidé de mixer groove
et black-métal, les nouvelles compositions du groupe sont résolument
plus mûres, plus "mélodiques " et font la part belle à
des éléments sonores nouveaux qui prouvent qu'ils vont de l'avant
et que leur créativité n'est pas un vieux mythe. D-SIDE se devait
de rencontrer pour vous ce groupe à part, qui a su populariser une musique
dure et prouver au monde que l'on peut encore avoir un succès international
sans chanter en anglais.
Depuis la sortie d'Herzeleid en 1995, le
line-up de Rammstein n'a jamais changé, est-ce que vos relations amicales
n'ont pas souffert de la pression générée par un succès
si énorme et si rapide ?
Oliver Riedel (basse) : Nous étions
tous déjà très amis avant la création de Rammstein,
lorsque le groupe a commencé à marcher c'était un peu la
guèrre entre nous car chacun cherchait à affirmer sa place, àne
pas être mis en retrait. Cette période de conflit a été
de très courte durée et depuis tout se passe merveilleusement bien.
Arrivez-vous
encore facillement à dissocier votre travail d'artistes de vos vies privées
?
Oui, car lorsque l'on rentre à Berlin personne ne nous reconnaît
dans la rue, ce qui veut dire que c'est l'entité Rammsteine qui à
du succès, individuellement aucun de nous n'est devenu une star assaillie
par les fans et les médias, et c'est mieux !
Votre nouvel album
s'intitule Mutter (Mère), est-ce pour les remercier de vous avoir donné
naissance ?
Les Spice Girls l'ont fait, pourquoi pas nous ?
Il
y a une réelle évolution entre cet album et les deux précédents,
il est plus riche et plus varié, qu'en penses-tu ?
Notre façon
de composer n'a pas changée, mais les titres de Mutter sont moins brutaux,
moins directs dans un sens plutôt positif puisque les mélodies et
les arrangements sont beaucoup plus complexes qu'auparavant, il y a plus de breaks,
de changements de tempo vraiment intéressants et les plages sythétiques
utilisent des sons que nous n'avions jamais expérimentés, c'est
un album plus " lyrique ".
" Mein Herz brennt "
est vraiment orchestral, presque Wagnérien, qui a eu cette idée
?
Collectivement, nous avons pensé que c'était une excellente
idée de plaquer sur la mélodie déjà très pompeuse
de ce titre une plage très symphonique d'instrument à cordes, nous
avons donc fait appel à un orchestre classique et le résultat est
parfait.
" Sonne" (" Soleil ") est une superbe
ballade au refrain mélancolique, c'est un choix bizarre pour un premier
single
En effet, mais nous trouvions que tous les titres de Mutter
étaient des singles potentiels, nous avons donc voté et cela a fonctionné
au coup de cur. Certes " Sonne " n'est pas du tout représentatif
de la sonorité générale de l'album mais c'est un titre très
fort, plein d'émotion puisqu'il raconte l'hitoire d'un boxeur qui sait
qu'il fait son dernier combat et qui voit pour la dernière fois le "
soleil ", c'est à dire l'éclairage du ring.
Il
est tès rare de trouver des titres de Rammstein san guitares, on se souvient
bien de " Wilder Wein ", un titre entièrement électronique
de 1994, vous avez choisi de réitérer cette expérience avec
" Nebel ", le dernier titre de Mutter, pourquoi ?
C'est une
chanson très romantique et il nous a semblé impossible d'y entendre
des riffs de guitare car sur ce titre les textes et la mélodie électronique
se suffisent à eux-mêmes. C'est une belle clôture d'album dont
doit être absente toute violence sonore.
Comme pour Herzeleid
et Sehnsucht, c'est Jacob Hellner qui s'est chargé de la production de
Mutter, à quel moment intervient-il dans votre travail ?
Il
sait parfaitement nous orienter à chaque étape du processus créatif
pour que nous donnions le meilleur de nous-mêmes, c'est quelqu'un de très
discipliné qui sait rester en retrait pour ne pas intervenir dans la composition
de base, ses idées servent à optimiser le rendu final. Il arrive
à matérialiser ce que nous avons intellectualisé et à
faire d'une composition au son très brut le maelström sonore dont
nous rêvions.
Vous avez fait d'excellents remixes pour Korn
et Rob Zombie, quel est l'artiste pour lequel vous rêveriez de faire ce
genre de travail ?
Trent Reznor de Nine Inch Nails, voilà mon
rêve en tout cas.
Pour votre prochaine tournée, utiliserez-vous
toujours autant d'effets pyrotechniques sur scène, est-ce maintenant un
élément indissociable de Rammstein ?
Oui, cela fait partie
intégrante de l'image du groupe maintenant, mais les effets et le jeu de
scène seront totalement nouveaux, nous laisserons une part plus importante
à l'improvisation à ce niveau car nos shows sont devenus très
lourds à gérer techniquement et il ne faut pas que tout soit trop
calculé car nous serions amenés à nous répéter
sans arrêt.
Pourriez-vous et surtout apprécieriez-vous
encore de jouer dans une très petite salle sans votre show pyrotechnique
?
C'est ce qui s'est passé lors de notre tournée en Australie
où exceptée une date en plein air devant 40 000 personnes, nous
avons fait une tournée des clubs sans effets visuels sur scène et
nous avons trouvé ça tout aussi génial, le contact direct
avec le public était très agréable et nous avons montré
que nous dégageons la même énergie dans cette configuration.
Vous
avez maintenant tourné dans le monde entier, quel public vous a le plus
surpris et préférez-vous plutôt jouer en Allemagne, le seul
endroit où l'on comprend vos paroles ?
La langue n'est plus
une barrière, nous l'avons largement démontré aux USA, par
exemple, où les radios ont boycotté les versions anglaises de nos
chansons que l'on nous avait demandé de réenregistrer pour conquérir
ce marché. Les gens du marketing avaient tout faux, tout le monde là-bas
ne voulait entendre que les versions en allemand car c'est authentique, ils savent
qu c'est notre langue et que Rammstein en anglais ce n'est pas Rammstein. Nous
sommes peut-être l'exception qui confirme la règle mais nous en sommes
très fiers car c'est aussi la raison de notre succès, le public
sait que nous sommes sincères et que nous défendons nos idées
jusqu'au bout, même si ça ne plaît pas à tout le monde.
Sinon, le souvenir le plus hallucinant que nous gardons de notre dernière
tournée est sans aucun doute la réaction du public japonais et mexicain
: des milliers de gens en transe, un véritable déferlement d'hystérie
collective secouait les salles dès que nous montions sur scène,
je n'avais jamais vu ça se passer de façon aussi intense ailleurs,
c'était fou !
L'humour est un élément caractéristique
de Rammstein, est-ce essentiel pour vous de garder ce sens de la dérision
?
Oui, nous sommes des gens sérieux qui ne se prennent pas au
sérieux (rires).
Certaines de vos chansons ont des thèmes
très sexuels et provocants (" Rein raus ", " Bück dich
"), on retrouve aussi cette facette du groupe dans certaines performances
scéniques ou dans vos clips, pourquoi ?
C'est à cause
de Till notre chanteur, c'est lui qui écrit les paroles et c'est un assoiffé
de sexe, c'est tellement important pour lui que forcément certaines chansons
doivent lui servir d'exutoire mais cela ne nous choque pas et comme Rammstein
est le reflet de toutes nos personnalités, c'est normal que l'on retrouve
ce thème dans un ou deux titres.
Avez-vous toujours une idée
bien précise de ce à quoi doivent ressembler vos clips qui sont
toujours très forts visuellement ? Pourquoi avoir choisi l'histoire de
Blanche Neige et les sept Nains pour le clip de " Sonne " ?
Nous
choisissons toujours nous-même les réalisateurs de nos clips et nous
en discutons avec eux en leur donnant l'idée de départ. Le clip
de " Sonne " est très " second degré " : Blanche
Neige est une vraie salope, et nous de gentils nains (rires), il faut savoir briser
les vieux mythes !
Actuellement, quels sont vos rêves pour Rammstein
?
Nous sommes tellement heureux de la sortie de Mutter que nous n'arrivons
pas à rêver de quoi que ce soit d'autre aujourd'hui, revoyons-nous
demain (rires) !
Guillaume Michel