Ein, Zwei, Drei...
Régulièrement cité comme une référence de
la scène métal européenne, Rammstein n'en reste pas moins
un groupe qui dérange et appelle à la démesure. Que l'on
fasse partie des fanatiques ou que l'on reste fermement hermétique, le
phénomène mérite explications.
Avec leur 3ème
album Mutter livré en avril dernier, Rammstein continue de faire parler
les bavards. Côté détracteurs, la liste des reproches tient
en 3 points : des concerts à la limite de la bienséance, une imagerie
militaire souvent taxée d'accointances extrémistes et des textes
en allemand qui ne facilitent pas toujours le dialogue et la compréhension.
Et pourtant ! Après Herzeleid et Sehnsucht, le sextette teuton vient de
fournir une ultime preuve d'un talent certain.
La controverse
Elle
commence avec le clip de Stripped sorti à l'époque du précédent
album et qui présente des images extraites du film raciste sur les JO de
Berlin, "Les dieux du stade" de Leni Riefenstahl, cinéaste allemande
accusée d'avoir été à la solde des Nazis. S'ensuit
une polémique inévitable qui prendra le plus simple des raccourcis
: Rammstein = fascistes !
Paul Landers (guitare) revient sur ce dérapage
:
"Tout n'est pas aussi simple. Au début, on avait aussi intégré
les mêmes images tournées par les Russes et l'on souhaitait montrer
que des images ne peuvent être de gauche ou de droite. En fait, les allemands
ont du mal à vivre avec leur passé, il y a un gros sentiment de
culpabilité par rapport à l'Histoire. On cherche à ne pas
éviter le sujet et à faire en sorte que les Allemands en arrivent
à avoir une relation normale avec leur pays."
D'ailleurs, Rammstein
met enfin les points sur les i avec le titre "Links 234".
Christian
Lorenz (claviers) nous éclaire :
"On avait pas mal d'échos
nous disant qu'il était nécessaire que l'on fasse un signe démontrant
au public où l'on se positionnait vraiment..."
Paul renchérit
:
"Même si cela paraît contradictoire, on peut très
bien rouler les r, tout en étant de gauche..."
Récemment
sur son site officiel, le groupe diffusait même un texte explicite d'Arundhati
Roy critiquant la paranoïa ambiante secouant les Etats-Unis et dénonçant
le risque d'une fronde anti-musulmane non justifiée. Une manière
de faire taire ceux qui ne s'arrêtent qu'à une image au lieu de gratter
plus loin.
Flake :
"On a beaucoup suivi les évènements
suivants les attentats pendant le Pledge of Allegiance Tour. On a surtout regardé
la télévision et notamment CNN qui mène une véritable
propagande. Les gens ne savent même pas ce qui se passe en Afghanistan et
d'une manière générale dans le monde entier."
Une
position plutôt courageuse parmi la horde de groupes de rock qui joue sur
l'hypocrisie et la langue de bois, dès qu'il s'agit de revenir sur les
évènements du 11 septembre.
Show Time
Et justement,
ce Pledge Allegiance Tour, une nouvelle occasion de se faire des potes après
Korn et Limp Bizkit ?
Flake :
"On a vraiment eu beaucoup de
plaisir à faire cette tournée et on est vraiment devenus fans de
System of a Down ! Concernant Slipknot, on avait des a priori, mais au final,
ça a bien accroché aussi..."
En tout cas, le 10 novembre
dernier au Zénith de Paris, Rammstein aura marqué les esprits. Une
fois de plus ! Guitare option lance-flammes pour Richard, parure vestimentaire
enflammée pour le chanteur à crête, voilà la marque
de fabrique de Rammstein et la mise en scène sado-maso de Till Lindemann
et Flake sur "Buck Dich" démontre même toute la force d'un
humour décalé lorsque le premier fait mine de sodomiser le deuxième
avant d'éjaculer une véritable fontaine d'eau à grands coups
de godemiché-ceinture.
Lorsqu'on leur demande de nous donner la clé
de leur succès international, la scène a d'ailleurs vite fait de
faire office d'argument :
"Quand on a commencé, notre credo
était surtout de se montrer original, si les autres groupes bougeaient
sur scène, nous resterions immobiles, si tout le monde nous disait de chanter
en anglais, on insistait sur l'allemand. Et puis, on se préoccupe aussi
de présenter un bon show et vu que la plupart des groupes en font toujours
moins, ça marque plus. Aujourd'hui, beaucoup de concerts sont merdiques,
mais ça ne veut pas dire qu'il faut recourir à des effets scéniques
à tout prix. Un groupe comme Coldplay ne fait rien de ce genre et c'est
pourtant très bien !"
Alors quoi ? Après l'incorporation
d'orchestre symphonique sur "Mein Herz Brennt" et un 3ème album
globalement plus calme, Rammstein aurait-il des vues vers une évolution
pop-acoustique ?
Flake :
"On s'est peut-être calmés
avec Mutter, on a peut-être moins la rage qu'auparavant. Mais pour le prochain,
on se dit qu'on aimerait bien quelque chose de légèrement plus agressif."
Et Paul Landers de nous inquiéter un peu :
"En fait tous
les groupes connaissent cette évolution, on commence avec beaucoup de rage,
en étant très agressifs, très violents. Et puis, on se calme
au fur et à mesure pour finir à un moment donné sur une chaise
de bar en jouant unplugged. A la fin, ça finit toujours avec des percussions,
une section de cuivres et 3 femmes qui chantent en présonorisationback...
Nous on est à mi-chemin, on va y arriver (rires)... Sérieusement,
là où l'on est heureux, c'est qu'à l'image d'un groupe comme
AC/DC, on évolue constamment tout en gardant notre son propre.