La fête des mères !
Cette année, la fête des mères naura pas lieu le 27
mai, comme prévu, mais le 2 avril, date de sortie du nouvel album des
gigantesques Rammstein, Mutter (qui signifie « mère » dans
la langue de Rudi Völler). Nous vous avions mis leau à la
bouche le mois dernier avec un joli reportage sur le tournage du clip de «
Sonne », premier single européen des Allemands, nous
remettons le couvert aujourdhui, et vous vous doutez bien que lon
nest pas près de lâcher laffaire desi tôt ! Oliver
Riedel et Richard Kruspe sont venus défendre bec et ongles leur troisième
LP studio devant une horde de journalistes français. Tâche dont
ils se sont acquittés avec bien plus de classe que léquipe
nationale dAllemagne, le 27 février, sur la pelouse du Stade de
France !
Il y a de cela deux mois, la rédaction de Hard-Rock, attablée
dans un petit restaurant de Boulogne, sinterrogeait : nous sommes ici
tous fans de Rammstein mais, alors que la maison de disques venait de faire
partir un coursier avec dans sa malle une cassette comportant huit nouveaux
titres du groupe, nous ne pouvions nous empêcher de nous faire du souci
: les Allemands avaient-ils les moyens de continuer leur ascension vers ce qui
pourrait leur permettre de devenir lun des plus grands groupes du monde,
au vu de leur popularité grandissante. Peut-être ce succès
franchement inattendu les avait-il ramollis, dautant quen y pensant
bien, la formule Rammstein est tellement efficace quil serait facile pour
le groupe de sy conformer sans se triturer le crâne. De retour au
bureau, la précieuse cassette rapidement enfournée dans un ghetto-blaster
pourri, nous nous mettions à sourire, franchement soulagés : la
progression musicale de Rammstein sur Mutter dépasse toutes nos espérances
! On avait connu Herzeleid et son côté agressif et âpre,
Sehnsucht et sa démarche plus sophistiquée, nous découvrons
aujourdhui Mutter, lun des albums les plus épiques, sombres
et mélancoliques que lon ait entendus depuis longtemps. Rammstein
revient ! Ta mère en feu !
Hard-Rock : Vous venez de participer au festival itinérant
Big Day Out en Océanie : comment cela sest-il passé ? Et
comment avez-vous réagi lors de la date de Sydney, quand le drame durant
le concert de Limp Bizkit est survenu : une jeune fille décédée
à la suite dun mouvement de foule ?
Oliver Riedel : Nous avions déjà été invités
à participer à ce festival en 1998 et 1999, mais nous navions
pas pu y prendre part car nous nous étions engagés sur dautres
tournées. Cette année, nous étions libres et ça
a été une très bonne expérience. Nous avons été
surpris par laccueil des gens et par le festival en lui-même : cest
énorme, cinquante groupes jouent tous les jours ! Bien sûr, le
décès de cette jeune fille est terrible... Il y a tellement de
gens qui se rendent à ce festival, en moyenne 50 000 personnes, quil
est très difficile dassurer la sécurité de chacun.
Richard Kruspe : Nous sommes vraiment désolés par rapport à
ce qui sest passé, cest affreux. La musique de Limp Bizkit
est très particulière car elle alterne des parties lentes et les
passages énergiques. Avec ces changements de rythmes brutaux, les mouvements
de foule sont inévitables. Il faudrait donc réfléchir à
de nouveaux systèmes de sécurité, car ils deviennent obsolètes
aujourdhui, la musique devenant de plus en plus violente et le public
réagissant en conséquence. Le problème, cest que
le promoteur du festival na pas voulu négocier avec Limp Bizkit
: ils ont exigé un certain système de sécurité,
avec notamment une rampe, au milieu de la fosse, permettant de séparer
le public en deux pour éviter les mouvements de foule. Lorganisation
a refusé et Limp Bizkit a donc décidé de ne pas finir la
tournée pour quune telle horreur ne se reproduise pas.
Craignez-vous quune telle chose puisse arriver
lors de lun de vos concerts ?
Non, pas vraiment. Le show de Rammstein est extrêmement visuel et les
fans sont calmes, ils regardent ce qui se passe sur scène, ils sautent
moins. Nous sommes donc moins exposés à ce type de problème.
Avez-vous une explication rationnelle pour expliquer
le succès mondial que vous remportez ?
Oliver : Ça a quelque chose de miraculeux. Ainsi, qui peut expliquer
comment Jésus a pu rendre la vue aux aveugles (sic) ?!
Richard : En fait, notre évolution a été graduelle, une
lente mais régulière ascension. Nous avons su améliorer
notre musique avec lexpérience, enregistrer des albums qui étaient
supérieurs à leurs prédécesseurs et je pense que
la qualité paie toujours. De plus, nous avons beaucoup tourné
: Rammstein est un groupe dont les concerts marquent les gens, et il est indéniable
quavec nos prestations scéniques nous avons attiré les gens.
Tu viens de mentionner le terme « qualité
». Paul Landers et Flake ont pourtant déclaré à la
télévision que lambition musicale de Rammstein était
de faire une musique monotone et ennuyeuse...
Nous sommes un groupe constiué de six personnes, chacune avec sa propre
opinion. En ce qui me concerne, je ne suis pas daccord avec cette déclaration
et je ne considère pas la musique de Rammstein comme ennuyeuse. Certes,
la structure de nos morceaux est très simple, basique, et cest
un choix délibéré, mais moi, je naime pas du tout
la musique ennuyeuse.
Est-ce que, comme ça a été le
cas sur Herzeleid et Sehnsucht, cest toi qui as le plus contribué
à lélaboration de Mutter ?
Oui.
Dans cette mesure, quel est vraiment le rôle
des cinq autres membres lors de lécriture ?
Ils ont un rôle extrêmement important. Rammstein est une synergie
entre six personnes. Lorsque nous sommes réunis en studio, nous travaillons
tous ensemble, et cest ça qui donne le cachet Rammstein. Ce son
si distinctif, cest collectivement que nous le définissons, et
non pas moi seul. Pour Mutter, nous avons fait très attention à
la façon dont les titres allaient ressortir sur scène, nous avons
pris beaucoup de temps en pré-production. Nous avons réalisé
que nous avions chacun nos qualités et que certains étaient plus
doués pour faire telle ou telle chose : il faut utiliser ces individualités.
Ce que nous faisons mieux aujourdhui car, à nos débuts,
nous voulions toujours être consensuels, que les six membres du groupe
soient daccord pour prendre une décision.
Est-ce que Rammstein survivrait au départ dun
de ses membres ?
Oliver : Cest une question inutile.
Richard : Je ne peux mimaginer Rammstein fonctionner autrement. Cette
question est très spéculative, il est difficile dy répondre.
Vous avez donné un concert à Berlin
où vous avez présenté huit nouveaux titres avant de finaliser
Mutter. Est-ce que, par rapport aux réactions du public, vous avez effectué
beaucoup de changements ?
Oliver : Comme nous le disions, il est très important de voir comment
nos titres fonctionnent sur scène. Une chanson peut mûrir face
au public parce quen studio, tu es tellement proche du processus quil
est très dur davoir du recul. Nous avons donc invité des
membres de notre fan-club, ils étaient enthousiastes et nous ont confortés
dans lidée que nous allions dans la bonne direction.
A linstar de groupes comme AC/DC ou Rage Against
The Machine, Rammstein a trouvé avec Herzeleid une sorte de formule magique
musicale, quasiment définitive. Or vous ny êtes pas restés
complètement attachés. Navez-vous pas été
tentés de le faire ?
Richard : Cest vrai quil existe un son Rammstein défini par
Herzeleid. Cest la fondation de notre musique. Mais ce que nous voulons,
cest évoluer tout en gardant notre cachet. Nous avons une démarche
artistique.
Mutter possède un côté très
mélancolique...
Chacun a le droit de se faire sa propre opinion. La mélancolie ? Pourquoi
pas... Je ne pense pas que cétait une démarche consciente.
Pour moi, Mutter est un album très mûr, cest laboutissement
de six ans dexpérience. Cest un disque très dense
qui, il est vrai, possède un côté clair-obscur. Nous considérons
que cest un album parfait.
Oliver : Il faut peut-être rappeler lhistorique de cet album : nous
avons commencé à répéter les compos près
de la Mer baltique, dans un environnement très froid, au nord de lAllemagne,
et ensuite, nous sommes partis enregistrer dans le sud de la France, aux studios
Miraval, cétait le printemps, il faisait chaud, lambiance
était très relax. Donc le côté clair-obscur de Mutter,
chaud et froid, est peut-être le résultat de ces changements de
lieu.
Avez-vous été satisfaits de votre séjour
chez nous ?
Richard : Absolument. La qualité de ce studio est extraordinaire et je
tiens à remercier Patrice, le responsable du studio, ainsi que son assistante,
Mimi !
Il y a un orchestre sur Mutter. Pouvez-vous en dire
plus ?
Je travaille chez moi avec un sampler pour les arrangements. Aujourdhui,
nous avons un peu plus dargent et nous pouvons nous permettre de nous
payer un orchestre. Cest délicat de travailler avec des musiciens
classiques, car si léquilibre nest pas respecté, un
morceau peut devenir très kitsch. Nous sommes allés travailler
à Berlin avec un orchestre qui dordinaire fait des musiques de
film. Ils sont très au point en matière de rythme et se sont assurés
que, sur scène, les orchestrations fonctionneraient bien.
Il existe un vrai paradoxe Rammstein : votre côté
brutal, violent, agressif, et en même temps toute cette dérision,
votre humour. Pouvez-vous expliquer cette démarche très particulière
?
Il est vrai que nous exprimons de nombreuses facettes démotions,
parce que nous sommes six et que Rammstein est un groupe démocratique.
Mais nous ne tournons pas tout en dérision, certaines de nos chansons
sont très sérieuses, poétiques et lyriques. Je trouve normal
quen tant quartistes, nous tâchions de couvrir un spectre
démotions aussi large.
Oliver : Peut-être que ce paradoxe résulte de nos origines. Nous
venons de lex-RDA, avons grandi dans un système totalitaire, avec
des structures étatiques comme la Freie Deutsche Junge (Jeunesse allemande
libre), qui était obligatoire. Cest complètement paradoxal
de baptiser ainsi une organisation à laquelle il était interdit
de ne pas prendre part. Pour survivre dans un environnement aussi glauque, il
nous a bien fallu développer un peu dhumour.Nous avons souvent
loccasion de rencontrer des journalistes allemands, et lun deux
nous a dit : « Je ne comprends pas quun groupe avec des paroles
aussi niaises puisse avoir autant de succès... » Globalement, on
dirait que la presse de votre pays napprécie pas Rammstein...
Richard : (sourire) Cest un phénomène propre aux Allemands,
qui narrivent pas à assumer le fait quils puissent réussir.
Il y a beaucoup de jalousie et denvie. Hier, je parlais avec quelquun
qui a eu loccasion de sentretenir avec Michael Schumacher, et il
a observé exactement le même phénomène : les Allemands
napprécient pas le succès des Allemands. Ils doivent toujours
critiquer, et ce journaliste dont tu parles, cest évident en écoutant
ce quil ta dit, na pas vraiment dopinion sur Rammstein,
cest juste une attaque assez basse fondée sur la jalousie. Je pense
aussi que les Allemands ont une très mauvaise image deux-mêmes,
le passé est dur à supporter et ils doivent réapprendre
à saimer eux-mêmes, ce qui les aidera aussi à aimer
les autres.
Oliver : Rammstein a toujours reçu des réactions soit très
positives soit très négatives, sans juste milieu. Cest bien,
ça prouve que nous faisons réagir les gens.
Pourquoi déclarer ouvertement aujourdhui
que vous êtes de gauche ?
Richard : On nous a souvent accusés dêtre dextrême
droite et, bien que nous ayons toujours dit que ce nétait pas le
cas, beaucoup de gens continuent de nous apposer cette étiquette, comme
si la vérité ne les intéressait pas et quils préféraient
vivre dans leurs fantasmes. Nous avons donc pris la décision décrire
le titre « Links 2-3-4 », qui est une prise de position ferme, une
sorte de « communiqué » : si quelquun veut absolument
ce qui est totalement inutile nous coller une étiquette,
eh bien, quil sache que nous sommes de gauche. Mais en aucun cas Rammstein
nest le porte-parole dune opinion politique.
Vos premières dates en Allemagne approchent
vite (la tournée débute le 13 mai à Nuremberg). Où
en êtes-vous de la préparation du show ?
Oliver : Pour être honnête, on ny a pas beaucoup pensé
! Il va falloir sy mettre car il ne nous reste que deux mois. Mais nous
allons travailler dur et proposer quelque chose dexcellent, car nous travaillons
avec Roy Benett qui a conçu des shows pour Prince et Nine Inch Nails.Nous
avons vu une cassette vidéo dun concert datant de la tournée
Herzeleid. A lépoque, vous modifiiez beaucoup vos morceaux alors
quaujourdhui, Live Aus Berlin en est la meilleure preuve, vous les
reproduisez exactement comme sur album...
Richard : En fait, je pense voir à quel concert tu fais allusion. Figure-toi
quil est antérieur à lenregistrement de Herzeleid.
Cétait une sorte de show-case, nest-ce pas ?
Oui...
Les morceaux nétaient pas finalisés. Les versions que tu
as entendues étaient en quelque sorte des ébauches. Ensuite, nous
sommes entrés en studio et aujourdhui nous jouons les morceaux,
mais je ne suis pas daccord avec toi : sur scène, en étant
attentif, il est possible de remarquer des modifications.
Que sest-il passé avec votre DVD ? Il
est impossible à trouver et nous navons pu le dénicher quaux
Etats-Unis, en Zone 1...
Oliver : Nous étions il y a peu au Japon et, à notre grand étonnement,
nous avons remarqué que le DVD était également introuvable.
Ça nous a beaucoup énervés et nous avons fermement demandé
à la maison de disques de rectifier ses erreurs.
Richard : En France, nous avons toujours eu des problèmes de distribution,
car les gros labels ne voulaient pas de nous. Cest une petite maison de
disques très courageuse, XIII Bis, qui a eu le courage de nous signer,
malheureusement avec quelques problèmes au niveau de la distribution
de nos disques. Aujourdhui, nous sommes chez Mercury-Universal, et cest
encore un peu désordonné à cause de toutes ces fusions,
ces histoires avec Vivendi, etc.
On dit souvent que le troisième album dun
groupe est crucial. Avez-vous ressenti une grosse pression à lentame
de Mutter ?
Oui, un troisième album est un « benchmark », une évaluation
doù tu en es artistiquement. Lorsquil est terminé,
tu te rends compte si tu vas dans la bonne direction, si tu ne te trompes pas.
Et aujourdhui, nous comprenons que nous sommes sur la bonne voie.
Le visuel de Mutter est très percutant...
Oui, il sagit dun ftus mort. Cest luvre
dun photographe qui, pendant cinq ans, a traversé le monde pour
faire des prises de vue dorganismes morts mais conservés. Nous
avons découvert ce livre, absolument fascinant, et nous avons décidé
dutiliser le même principe pour lintérieur du livret
: nous sommes photographiés dans du liquide, comme si nous étions
morts et conservés. Quant au texte de « Mutter », la chanson,
il traite de la relation mère-enfant. Celle-ci influence toute une vie.
Etes-vous freudiens ?
(sourire) Freud est un des penseurs, scientifiques et même philosophes
autrichiens les plus intéressants.
Oliver : Ce texte est freudien, car nous avons tous à nous confronter
à notre relation à la mère, car, si on veut se libérer
et être bien dans sa peau, il faut régler ses comptes avec sa mère.
Vous pensez quoi de la psychanalyse ?
Richard : Je nen ai jamais suivi aucune, mais je considère que
toute forme de thérapie est bonne, car cest une façon de
soccuper de ses problèmes. Cela permet à ceux qui en ont
besoin de pouvoir évoluer avec laide dune thérapie,
quelle quelle soit. Parce que limportant dans la vie, cest
dévoluer.
Quand vous verrons-nous en France ?
Seule la tournée allemande est planifiée pour linstant.
Ensuite, je pense que nous ferons de petites apparitions en Europe, puis nous
reviendrons plus tard dans de plus grandes salles. Ensuite, nous irons aux Etats-Unis.
En revanche, je serais bien incapable de donner des dates, comme de dire si
nous participerons aux festivals dété.
Par Olivier Rouhet & Sébastien Baert
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